Encore une recommandation qui vient de X, le réseau social de Musk. L’auteur propose de brosser un portrait général des semi-conducteurs. Une technologie ô combien importante dans le monde moderne.
Ce qui ressort le plus pour moi après la lecture de cet ouvrage, c’est que les États-Unis sont vraiment extraordinaires. Je dis ça sans aucune ironie. En effet, c’est d’abord sur leur sol que les principales avancées dans le domaine ont eu lieu. L’Amérique avait un écosystème favorable : les laboratoires Bell, de brillants scientifiques, et une culture entrepreneuriale unique. Poussés par la nécessité de financer une R&D coûteuse et de conquérir le marché privé au-delà des commandes militaires, les entrepreneurs américains ont cherché à industrialiser la production et à baisser les coûts.
Cette logique économique a rencontré une stratégie géopolitique. Dès les années 60, les premières délocalisations ont eu lieu, non seulement pour trouver une main-d’œuvre bon marché, mais aussi dans un but politique clair : intégrer des alliés dans la chaîne de valeur pour créer un rempart capitaliste face à l’URSS. Le Japon fut le premier grand bénéficiaire de cette politique. Les Américains, soucieux d’éviter que l’archipel ne se rapproche du bloc soviétique, ont encouragé le transfert de technologie. Ainsi, le premier produit grand public à base de semi-conducteurs fut japonais, même si les puces à l’intérieur restaient américaines. Cette stratégie a ensuite été étendue aux autres “dragons asiatiques” (Corée du Sud, Singapour, Taïwan), créant une zone de prospérité et une chaîne d’approvisionnement mondiale, mais aussi interdépendante.
L’épopée des semi-conducteurs est donc scientifique, technologique, et entrepreneuriale, mais indissociable de la géopolitique.
Le livre se conclut sur la situation actuelle, marquée par une intense rivalité entre les États-Unis et la Chine. Il est crucial de noter que l’initiative vient de Pékin. Ce sont les acteurs chinois, après avoir grandement profité de leur intégration au système mondial, qui cherchent désormais à s’en émanciper pour atteindre une autonomie stratégique complète. Cette ambition de maîtriser toute la chaîne de valeur force les États-Unis à réagir. Sans cette poussée, Washington aurait probablement continué sa politique d’intégration, traitant la Chine comme les autres puissances économiques asiatiques.
Cependant, cet objectif d’autonomie semble presque impossible à atteindre. La chaîne de fabrication est d’une complexité inouïe, reposant sur des décennies d’innovations interconnectées à travers le globe. Un exemple frappant est la machine de lithographie EUV (Extreme Ultraviolet) produite par l’entreprise néerlandaise ASML. Cet équipement, indispensable pour graver les puces les plus avancées, est le fruit de plus de vingt ans de recherche et développement et de procédés industriels parmi les plus complexes au monde. Aucune nation ne peut aujourd’hui répliquer seule une telle prouesse.
Face à l’ambition chinoise, les États-Unis ont adopté une posture défensive, imposant des contrôles à l’exportation stricts pour couper l’accès de la Chine à ces technologies de pointe. Cette stratégie marque une rupture avec l’approche américaine des années 60. Cette nouvelle “guerre des puces” redessine la carte technologique et géopolitique, forçant chaque acteur à reconsidérer ses alliances dans une compétition où les semi-conducteurs sont devenus l’arme de la puissance. Le livre de Chris Miller est donc une lecture essentielle pour quiconque veut comprendre les véritables enjeux de pouvoir du XXIe siècle.